La tour de La Lanterne à La Rochelle
son :
La tour de la Lanterne
Ultime tour soumise au regard des passagers
quittant la rade pour la grande traversée
.
     Point d'orgue des remparts maritimes de la cité rochelaise, la tour de la Lanterne a été le témoin privilégié de plus de cinq siècles d'histoire.

     Elle a connu de nombreux surnoms dus aux événements, mais elle reste au cœur des Rochelais cette lanterne, ce phare, non seulement indispensable pour la navigation, mais surtout flamboyant pour l'âme de tous ceux qui l'ont approchée.

     
Sa construction date de l'époque où Pierre Bragier est élu maire de La Rochelle, en 1445. Son beau-frère, Jean Mérichon, maire pour la cinquième fois en 1468, fait activer les travaux qui ne s'achèvent qu'en 1476.

     Il a donc fallu 31 années pour parfaire cette élégante Lanterne que nous pouvons encore admirer, malgré toute son histoire, parfois tragique, et les risques auxquels elle a échappé à maintes reprises.

     Haute de 75 mètres, sa destination première est d'être vue des marins. Sa base est constituée d'un fût cylindrique de 25 mètres de haut et de plus de 15 mètres de diamètre. Une flèche octogonale surmonte l'ensemble, quatre des huit pans sont percés de fenêtres trilobées de style flamboyant. Chaque nervure est garnie de crochets.

     Un escalier intérieur, situé sur le flan nord du cylindre de base et surmonté d'une flèche, permet d'en atteindre le haut, tout en desservant les différents niveaux.
     Ayant atteint cette première plate-forme sur laquelle est plantée la haute et fine pointe, il est possible d'accéder à une seconde par un escalier extérieur sur le flan ouest, fermé et surmonté d'une flèche vitrée à huit pans.

     C'est au sommet de cet escalier, qu'était allumé un énorme cierge qui servait de phare. La description de ce monument, dans sa forme actuelle, ne serait pas complète sans le signalement du conduit de cheminée s'élevant sur le côté est, à la base de la flèche principale.

     C'est ainsi que nous pouvons l'admirer et imaginer les difficultés rencontrées par ceux qui l'ont bâtie et ceux qui l'ont restaurée et remaniée au fil des siècles.

     Tout au long de son histoire, la tour de la Lanterne va se voir attribuer des surnoms dus soit aux événements qui s'y sont déroulés, soit à l'une de ses fonctions.
     La plus ancienne de ces appellations est celle du "garrot". En effet, selon certaines sources, les navires arrivant dans la rade rochelaise étaient désarmés à la tour de la Lanterne. Une machine permettait de "garrotter" les canons et de les soustraire aux bateaux qui pouvaient ainsi entrer dans le port sans risque pour la cité.

     En février 1568, la Réforme s'installe à La Rochelle. François Pontard, sieur du Treuil-Charay et maire depuis le 6 avril précédent, fait appel à un de ses parents, lieutenant du prince de Condé, Sainte-Hermine.

     Afin de renforcer les murailles, on détruit les églises, leurs pierres sont des matériaux fort utiles. Les catholiques fuient hors des murs, mais 13 prêtres sont arrêtés et enfermés dans la tour de la Lanterne. Dans les semaines suivantes, ces malheureux sont égorgés et précipités dans la mer du haut de la tour.

     Pendant de nombreuses, le surnom de "Tour des Prêtres" est venu rappeler à tous, les débordements sanguinaires inspirés par ce climat de guerre de religions qui affectait tout le royaume. Deux siècles passent et l'horreur recommence. Le 21 mars 1798, quatre prêtres, réfugiés dans la tour, y sont égorgés par une foule exacerbée par la violence répandue sur l'ensemble du territoire.

     Vingt-quatre ans plus tard, en 1822, les principaux protagonistes de la "Conspiration de La Rochelle" sont arrêtés et quatre exécutés à Paris, place de Grève. En souvenir du passage de deux d'entre eux dans une de ses geôles, la Lanterne est souvent désignée depuis comme "la tour des Quatre Sergents".


Histoires de la Lanterne
La tour de la Lanterne a failli être victime, à plusieurs reprises, des événements locaux et de l'inconscience des humains.
    Le 19 janvier 1545, un cellier, dans lequel il avait été entreposé 200 barils de poudre pris sur l'épave d'une caraque génoise, prend feu. La maison est située face à l'église Saint-Jean-du-Perrot et l'explosion fait croire aux Rochelais "qu'ils étaient parvenus au jour terrible du jugement dernier". Au moins 120 personnes trouvent la mort, une douzaine de maisons sont détruites, l'église est anéantie et une partie du mur entre la Chaîne et la Lanterne s'écroule. La tour a tenu !
    Cela n'empêche pas de dénombrer, en 1607, dans le magasin du Perrot, toujours situé face à l'emplacement de l'ancienne église, 359 barils de poudre pesant 6 389 livres et, dans le même temps, d'entreposer à l'intérieur de la Lanterne 1 pierrier, 2 émerillons et 4 arquebuses à croc !
    En 1651, le gouverneur, le comte du Daugnon, tyran haï de la population, s'enfuit à l'arrivée des troupes royales, laissant son lieutenant, de Besse, à la tête de quelques soldats réfugiés dans la Lanterne, la Chaîne et Saint-Nicolas. Le marquis d'Estissac, pour les déloger, fait dresser des batteries et miner les tours. C'est au moment où il allait la faire sauter, que les soldats sortent et se rendent, sauvant ainsi la Lanterne.
    Après le siège de 1628, Louis XIII ordonne la destruction de toutes les fortifications. Par bonheur, il en exclut les tours et le mur entre elles, pour protéger la ville d'éventuelles invasions maritimes. La Lanterne est une nouvelle fois sauvée ! Le sieur de la Grossetière est pris par les troupes royales, alors qu'il regagnait La Rochelle après une mission auprès des Anglais, pendant l'été 1628. Il est exécuté peu après la reddition de la ville. Michel de Marillac relate les faits dans une lettre adressée le 27 novembre 1628 à Richelieu : "J'ay reçeu advis du grand'conseil, que Grossetière a esté exécuté, le 24 de ce mois, la teste tranchée et envoyée à La Rochelle pour estre mise en haut d'une lance sur la tour de la lanterne (cela fera mourir sa fiancée), le corps bruslé, . . . ".


Mémoires de pierres
    Prison maritime, prison militaire, prison politique, la Lanterne a retenu un grand nombre de ses visiteurs. Si les pierres pouvaient parler, elles raconteraient … , remarque ironique ? Non, remarque véridique. Ici, les pierres parlent !
    En effet, ses hôtes forcés ont eu le temps de graver leur passage. Ces sculptures de murs ont résisté au temps et leur lecture est pleine d'enseignements. Sur près de 300 années, du 16e jusqu'en 1879, 600 discours y ont été écrits.
    Des hommes ont inscrit dans la pierre leurs souffrances, leurs désespoirs, mais aussi leurs espoirs. Les nombreux navires gravés au 17e ne laissent aucun doute sur le côté maritime de la prison. Les Anglais, les Hollandais et les Espagnols sont majoritaires à cette époque et laissent peu de place à un Pierre Lanber enfermé en 1615 ou aux frondeurs de 1651 et aux huguenots de la fin du siècle.

Ultime vision des voyageurs de la mer, la Lanterne, livre de pierre, a parcouru le temps, résistant aux agressions pour mieux nous éclairer sur notre Histoire, c'est-à-dire sur nous-mêmes.

© Racines Rochelaises